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«Il ne faudra craindre aucun abîme de la réflexion par lesquels nous irons retrouver la tragédie chez ses mères; ces mères s’appellent la volonté, l’illusion, la douleur» (fragments d’une étude projetée sur la tragédie et les esprits libres.  Nietzsche, septembre 1870).

Le concept du blue pigs issu des recherches et expérimentations de Marina Olympios semble émerger comme une poussée tenace et obstinée de l’existence.  Le corps y est puissance, il résiste à tout ce qui s’efforcerait de l’amoindrir ou de le détruire.  Le blue pigs est un rêve d’angoisse et de douleur, une situation extrême.  Est-ce réellement un rêve? Il se révèle d’ abord comme uni attitude à l’ égard du corps, à ce qui l’affecte; le férocité et la constance de la haine, la désespérance, la souffrance, l’hystérie, les invectives furieuses.  Le blue pigs est la victoire toujours précaire, la forme stylisée d’un art de dire, en proie à d’étranges délires, revenue à l’état de nature quasi animale.  Qui mieux et plus que le blue pigs ne contient les échos et formes essentielles de l’art dramatique grec, spontané, imaginaire!

Marina Olympios accompagnée de la chorégraphe Maria Hassabi et l’artiste Katerina Kana forment un chœur déclamant, êtres naturels fictifs, beauté convulsive d’une humanité défaite et morbide.  Revêtues de combinaisons blanches et légères, le visage maculé de bleu, affublées de groin, coiffées de perruques ou de coiffes surdimensionnées, elles puisent aux forces occultes et malignes, les gestes et comportements, mimant la pathétique gesticulation d’ une vie aux limites de la dislocation et de l’ égarement. 

Dans les figures de la tragédie antique, les personnages barbouillés de suie, de minium ou de sucs végétaux, figuraient le berceau de drame, exécutant des gestes parfois singuliers, dans l’ivresse des sons et la contagion des rythmes.  Ce culte de l’irrationnel, des énergies vitales, se trouve transplanté au cœur de nos troubles contemporains partis à l’assaut d’une mythologie foisonnante, de rituels qui réactualisent la cosmogonie.  Par son travestissement, le blue pigs imite le drame, nous livre la lamentation des héros souffrants aux prises avec les menaces du quotidien: la ruine, la désintégration, la mort.

Cette forme créative troublante entretient une certaine familiarité avec l’absurde, le superflu, avec la mort si proche, éparse et cachée dans les symboles de la vie.  Cette expérience est vécue comme une œuvre intégrale qui redistribue les relations artiste, public et art de façon out à fait inédite, dans une fusion de la vision.  Cette notion par rapport au public fut déjà développée dans les expositions “let me be your guide” chez Renos Xippas à Paris, ou “le repas, les philosophes à manger” à Paris à la  Galerie du Temple.  Public corporellement présent et réel, en état de considérer l’œuvre d’art comme telle, spectateur idéal, voyant et visionnaire, dans la pure tradition de la tragédie.  Marina Olympios tent une nouvelle façon de révéler l’art au public en des situations qui mêlent activités sociales et esthétiques. 

L’art peut-il seul transformer l’absurde en images avec lesquelles on peut tolérer de vivre?  La vie n’est-elle possible qui grace à des illusions d’art, aux plaisirs de l’apparence?  En présence d’une œuvre aussi complexe, il nous faut apprendre à jouir avec la plénitude de nos sens, bien qu’il soit à craindre que face à une telle oeuvre, nous ne soyons tentés de la décomposer, de la fragmenter alors qu’elle recèle l’unité première des instincts souverains de la nature.  

Les blue pigs ont pour tâche d’éveiller l’émotion, l’irrationnel capiteux, gorgé de sensualité.  Qui peut s’appartenir, qui est sûr d’être qui, quand chaque minute est panique.  Les blue pigs  nous transportent à l’intérieur d’un être, dans la perplexité de quelque chose qui nous dépasse et tient un peu du «démon», c’est une œuvre profondément irrigué par le mythe, et la volonté de donner à connaître, par les gestes d’auto-ironie et de désespoir, un devenir humain.  Elle nous invite à veiller, à être sur nos gardes, à affronter comme un artiste la peur le l’avenir de l’art.  Cette reprise de contact avec le mythe et le sacré nous fait dépasser notre condition profane pour mieux évoquer les contradictions et tensions de notre «temps individuel».  Avec les blue pigs, nous espérons rien de moins peut-être qu’une manducation amoureuse exquise mais fatale.  

Elisabeth Chambon, Juin 1997

Art Historian - Conservateur du Musée Géo - Charles, France

 
 

 

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