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Marina Olympios a interrogé de nombreux artistes (plasticiens,
écrivains, musiciens) dans différents pays, en leur adressant
une seule question: « Avez-vous peur de la mort de l’art?»
Le
contenu des réponses retenues révèle leur démarche créative,
fondée sur une nouvelle «géogrpahie - artistique». De la
crainte de la mort de l’art à la peur de l’art, le cheminement
de la pensée s’est retourné pour dire l’avenir de l’art. Cette
prise de position passe par la désaliénation des œuvres
enfermées dans les réseaux des modes et celui des vecteurs de
consécration. L’autre condition, tout aussi affirmée, est la
rencontre de l’artiste et du public, dans laquelle le discours
sur l’œuvre privilégie l’apprentissage du regard des visiteurs.
«Libérez les œuvres d’art» est leur réponse, leur manifeste mis
en action dans une série d’exposition qui balisent chaque étape
d’œuvres créées autour de themes évoquant les contradictions et
les tensions de notre société.
Plantés dans le sol d’une Europe ouverte au grand large et, du
fait meme, soucieuse de conserver son identité, les médailles
d’honneur, les coupes et les trophées de Marina Olympios
délimitent un territoire de l’art, une géographie des œuvres.
Nul ne peut entrer sereinement, s’il n’est prêt à partager cette
vision inédite d’images, d’objets, d’actions dévoilant les
glissements de sens qui s’opèrent sous l’effet de juxtapositions
enchevêtrées et de scénographies gestuelles.
Dépouillement et ascèse du regard guident le visiteur pour
passer le seuil, ménageant un temps d’arrêt afin de briser les
conformismes acquis dans l’acte d’appropriation et de
consommation des biens, stérilisant ainsi leur part subversive
enfouie par la société. Ce retournement a été poussé à été
poussé à son point extrême, par les deux artistes, dans
l’exposition «Les philosophes à manger”, où la
destruction-consommation de l’œuvre, comme mort de l’art, libère
l’ artiste et le public par un jeu de simulation-mimétique de
dédoublement, sous l’œil caché de la caméra.
Marina Olympios mène ce travail exploratoire par des voies qui
plongent dans leur propre histoire, leur culture, leur
imaginaire, peuplé d’éléphants romains domestiques, de reptibles
empaillés accolés aux symboles d’une société désarticulée.
Violence, argent, pouvoir, drames collectifs surgissent ainsi de
la toile tissée par elles dans la maison Europa, scène mythique
sur laquelle se déroule les petites saynettes qu’elles fixent
sur fond d’archétypes familiers: Vie et Mort, Nature et Société,
Amour et Solitude. Elles s’instituent par ces actions comme les
messagères du “DIRE” de l’art contre la mort de la civilisation,
contre la mort du regard sur l’oeuvre et la dictature des images
qui banalisent la perception.
Cette démarche artistique rejoint pleinement les deux
préoccupations principales des Centres d’Art, comme lieu
d’expérimentation et de promotion mis au service des artistes
contemporains et comme acteur de la politique culturelle en
Région pour élargir le public de l’Art et servir de médiateur,
de signal et de témoin. Questions difficiles à résoudre en
raison de la diversité des attentes. Comment, en effet,
atteindre un non-public majoritaire, et le faire accéder à la
création contemporaine, dans un environnement de plus en plus
«artificialisé» appauvri et distrait par les dérives du «spectauculaire?»
Comment laiser une place à la liberté de l’artiste dans une
société obnubilée par toutes les formes d’audimat, et tentée par
la commercialisation de l’art comme seule fin crédible et
respectable, comme seule reconnaissance et consécration de la
condition d’artiste. Il faut beaucoup de courage, d’abnégation,
d’énergie, d’obstination pour s’affirmer artiste, aujourd’hui.
C’est résolument le choix de Marina Olympios. Etonne-nous
encore et toujours, pourrait-on lui dire, dans le plaisir de la
découverte, la surprise et les interrogations suscitées par
l’œuvre.
Roger Balboni Art Historian
Président de “Passages” Centre d’Art Contemporain |
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